CoVid Apollo 13 : la crise, mode d’emploi

Il y a tout juste 50 ans, en avril 1970, le vaisseau spatial Apollo 13 subissait une terrible explosion entre la Terre et la Lune.

Comme l’explosion stoppait Apollo dans sa course vers la Lune et mettait son équipage en danger mortel, le CoVid a stoppé notre économie en plein retour à la croissance et met désormais nos entreprises en grand péril.

L’objectif initial du vol Apollo 13 était d’aller se poser sur la Lune. Après l’explosion, les membres de l’équipage et du personnel au sol ont cru, quelques instants encore, que cet objectif pouvait être tenu. Tout le génie des acteurs de ce drame a été d’accepter de sacrifier totalement l’objectif initial puis de se tourner vers un nouvel objectif absolument opposé à tout ce à quoi ils s’étaient préparés : ramener l’équipage sur la Terre.

LE MODULE DE SERVICE D’APOLLO 13 PHOTOGRAPHIÉ PAR L’ÉQUIPAGE, APRÈS LA SÉPARATION DU MODULE DE COMMANDE. © NASA

Dans mes échanges actuels avec les dirigeants et les managers, je constate que presque tous ont décidé de réviser à la baisse leurs objectifs initiaux d’avant CoVid (chiffre d’affaire, marge, acquisition, cession, recrutements,…).

Partant de là, il s’agit alors pour eux de motiver les équipes et, dans le même temps, de préparer des plans de restructuration… On peut parier sur l’échec de ce processus !

A contrario, je vois très peu de dirigeants et managers appliquant le modèle Apollo 13, à savoir renoncer à leurs objectifs initiaux pour, après un audit de ce qui marche, se fixer de nouveaux objectifs non comparables avec les précédents (garder tous les collaborateurs,…).

L’histoire d’Apollo 13 étant un magnifique cas de résolution de crise, voyons de manière plus détaillée comment elle peut nous inspirer aujourd’hui.

L’article original ci dessous intitulé « Il y a 50 ans… » est paru sur le site Ciel & Espace en avril 2020.

Les commentaires en couleur dans l’article sont de Go Management. Les citations de Gene Kranz sont tirées du film Apollo 13 de Ron Howard.


Il y a 50 ans, Apollo 13 : revivez en images la catastrophe transformée en succès

En avril 1970, Apollo 13 devait être la troisième mission à se poser sur la Lune. Mais à 330 000 km de la Terre, une explosion oblige à un retour en catastrophe. Malgré les nombreuses difficultés, la Nasa sauvera ses trois astronautes. Pour cela, Apollo 13 reste un “échec réussi”.

 

Un équipage modifié juste avant le départ

De gauche à droite : Fred Haise, le pilote du module lunaire d’Apollo 13, John Swigert, celui du module de commande, et James Lovell, le capitaine de la mission. Seul Lovell est un vétéran de l’espace. À son actif : les missions Gemini 7, Gemini 12 et Apollo 8. Swigert a remplacé Ken Mattingly deux jours avant le lancement parce que ce dernier avait été en contact avec Charlie Duke qui avait attrapé la rougeole. La Nasa ne voulait pas prendre le risque que Mattingly, susceptible de l’avoir attrapée aussi, tombe malade une fois dans l’espace.

3… 2… 1… et déjà des ennuis !

Le 11 avril 1970, à 13 h 13, la fusée Saturne 5 décolle de cap Canaveral, en Floride. Premier incident : le moteur central du deuxième étage s’éteint deux minutes trop tôt. La combustion des quatre autres est prolongée pour compenser sa perte et la trajectoire n’est pas perturbée.

 

Un voyage de routine

=> Les premières semaines de l’année 2020 se passent bien pour nos entreprises… Les objectifs, les stratégies et les plans d’actions sont établis et connus de tous…

Lundi 13 avril, 20 h 24 : Apollo 13 est en route pour la Lune. À bord du module de commande Odyssey, les astronautes tournent une émission de télévision en direct. Au centre spatial de Houston (Texas), Fred Haise apparaît à l’écran. Mais quasiment aucune chaîne de télévision ne retransmet ce direct entre la Terre et la Lune. C’est déjà devenu trop banal…

 

« Houston, we’ve had a problem »

Au début de cette vidéo, on entend l’échange fameux entre le centre de contrôle qui demande une manœuvre de routine, le brassage des réservoirs, et l’équipage qui, juste après, lance l’alerte : « Houston, we’ve had a problem ».

=> LA CRISE : C’est le coup de tonnere… un peu comme le message télévisé du Président Macron le 17 mars 2020.

Le message de Swigert fige l’équipe au sol. Une demi-heure après l’émission, une explosion se produit sur le vaisseau lunaire. En quelques minutes, les contrôleurs de vol sont aux prises avec une cascade de problèmes.

=> C’est ici que Gene Kranz, le directeur de vol, interpelle les équipes qui sont en plein stress : « N’aggravons pas la situation en jouant aux devinettes ». Autrement dit, ON NE FAIT PAS DE SUPPOSITIONS. 

Sur cette image, les astronautes d’Apollo 14 Alan Shepard et Edgar Mitchell (assis), ainsi que ceux d’Apollo 17 Gene Cernan et Ron Evans (debout) contribuent à évaluer la situation.

=> Puis Gene Kranz ajoute : « Qu’est-ce qui marche dans ce vaisseau » : autrement dit, en crise il faut d’abord faire l’AUDIT de ce qui fonctionne, ce qui permet 1/ d’éviter de stresser en regardant LE VERRE A MOITIE VIDE 2/ d’éviter de de rêver aux opportunités qui vont s’ouvrir : on reste dans le PRESENT.

En fait, on frôle la catastrophe : le module de service d’Apollo 13 est hors d’usage. Il ne fournit plus ni propulsion, ni oxygène, ni électricité. En urgence, l’équipage quitte le module de service Odyssey et se réfugie dans Aquarius, le module lunaire (LM).

=> Après audit, seul l’Aquarius fonctionne. Cela impose un CHANGEMENT (et non pas une simple révision) D’OBJECTIF, DE STRATEGIE ET DE PLAN D’ACTIONS.

La Lune n’est pas pour cette fois

=> Gene Kranz va informer son équipe du changement d’objectif : « A partir de maintenant, on improvise une nouvelle mission » : ramener l’équipage sur la Terre. On abandonne la conquête spatiale. On passe à un PROJET HUMAIN : « On ne perdra pas nos hommes».

=> Il ajoute : « L’échec n’est pas une option ».

=> La nouvelle mission – le nouvel objectif – impose d’adopter UNE NOUVELLE STRATEGIE.

L’explosion s’est produite alors qu’Apollo 13 avait parcouru 90 % du trajet Terre-Lune. Seule solution pour les astronautes : contourner la Lune et profiter de son impulsion pour revenir vers la Terre.  Ensuite, une fois la trajectoire infléchie par l’attraction lunaire, les astronautes utiliseront le moteur de descente du LM pour ajuster leur direction.

Ici, une photo prise depuis le LM pendant le survol de la Lune.

Cette vidéo reconstitue ce que l’équipage d’Apollo 13 a vu lors de son survol de la Lune. La Nasa l’a créée grâce aux images de la sonde LRO.

 

Comment les ramener en vie ?

=> La nouvelle mission – le nouvel objectif – impose de rédiger UN NOUVEAU PLAN D’ACTIONS.

À Houston, on se creuse les méninges.

L’eau et l’électricité vont manquer. Seule solution : couper l’ordinateur, la plate-forme inertielle, les systèmes de guidage et de navigation, et surtout le chauffage. À bord, la température descendra jusqu’à 5 °C.

=> On ELIMINE tout ce qui pompe de l’énergie et de l’oxygène… SAUF les hommes !!!

La quadrature du cercle

=> La nouvelle mission – le nouvel objectif – demande de faire preuve d’innovation. Gene Kranz, le directeur du vol, dit aux personnes qui n’en font pas preuve dans cette crise : « Je me fiche de savoir pourquoi sont conçues les choses. C’est ce qu’elles peuvent faire qui compte ».

Le LM est conçu pour deux occupants, et non trois. Et certains équipements ne sont pas compatibles entre Odyssey et Aquarius. Entre autres : les filtres à gaz carbonique. Or ceux-ci sont indispensables pour éviter que le taux de CO2 ne grimpe trop et asphyxie les astronautes. Deke Slayton (veste à carreaux), le chef des astronautes, présente le bricolage imaginé pour ajuster un filtre carré sur une ouverture ronde. Un bricolage qui va fonctionner et permettre à l’air de redevenir respirable dans le module lunaire.

À bord d’Aquarius, on respire de nouveau…

=> Dans une crise, il y a des moments de répit…

Avec les moyens du bord, sur les indications de Houston, les astronautes bricolent le nouveau filtre à gaz carbonique pour Aquarius (le cube visible à côté de John Swigert).

Au risque de manquer la Terre

=> Dans une crise, il faut continuer jusqu’au bout : quand on traverse l’enfer, on ne s’arrête pas en route.

La Terre approche, mais Apollo 13 risque de rebondir sur l’atmosphère. L’équipage, épuisé, doit corriger la trajectoire. Le moteur du LM est allumé 14 secondes et Lovell, en pilotage manuel, ramène le vaisseau sur le couloir de rentrée.

« Un côté du vaisseau manque ! »

=> Une entreprise ne sort pas indemne d’une crise. Dans Apollo 13, les seules pertes sont matérielles et économiques…

17 avril, 7 h 14 : l’équipage a réintégré Odyssey et libère le module de service. Il découvre avec stupeur l’étendue des dégâts. L’explosion d’un réservoir à oxygène a soufflé toute une partie de la structure. En cause : une étincelle sur un fil électrique à nu, dont l’isolation a fondu lors d’un chauffage du réservoir, avant le départ.

« Adieu, Aquarius, et merci »

=> La crise représente un effort personnel pour chacun.

10 h 43 : libération du LM Aquarius, le « canot de sauvetage » des hommes d’Apollo 13. Celui-ci n’est plus nécessaire pour le retour dans l’atmosphère terrestre. Les astronautes rallument le module de commande qui ne fonctionne que sur ses batteries propres, d’une autonomie réduite, calculée uniquement pour la phase de rentrée atmosphérique. Les trois hommes sont déshydratés. Ils ont perdu à eux trois 14 kg et Fred Haise souffre d’une infection urinaire. Et ils encaissent une puissante décélération.

Le suspense du black-out

Dernière étape délicate : la rentrée dans l’atmosphère. Le contact radio disparaît pendant cette phase. Quatre minutes terribles pour Houston. En raison d’un angle d’entrée dans l’atmosphère légèrement différent de celui qui était prévu, le silence dure une minute trente de plus… Mais la communication se rétablit finalement et Apollo 13 remporte cette ultime épreuve. Les trois parachutes s’ouvrent. Odyssey apparaît sous les nuages.

La tension à Houston pendant les “longues” secondes de la descente de la capsule est sensible dans ce reportage sur le retour d’Apollo 13.

Une prouesse humaine

=> L’histoire ne retient pas l’échec sur le plan technologique, scientifique ou économique. Elle retient la prouesse humaine.

Le module de commande se pose en douceur sur l’océan Pacifique. L’amerrissage a lieu le 17 avril, à 12 h 07, près de 143 heures après le décollage. L’équipage est sain et sauf. C’est le soulagement au centre de contrôle. Réputée pouvoir résoudre tous les problèmes, quelle que soit l’urgence, l’équipe de Houston vient d’accomplir une prouesse. Et de transformer un échec en réussite.

=> Ainsi, dans la crise du CoVid, nous savons que nous ne pourrons pas réaliser ce que nous avions prévu, et pourtant, nous pouvons être motivés à réaliser quelque chose de radicalement différent et qui ne soit pas comparable…

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