Apprendre à se dépasser avec la contrainte et l’effort : la leçon du papillon

Un citoyen tout à fait respectable a l’habitude de promener son chien deux fois par jour dans un parc à proximité de son appartement. Un matin, son attention est attirée par un petit cocon blanchâtre accroché à la branche d’un buisson. Il s’en approche et s’interroge : « Combien de temps faudra-t-il avant qu’émerge le papillon qui est à l’intérieur ? ».


Le lendemain, il s’empresse de retourner à l’endroit du cocon dans l’espoir de voir s’il y a eu du changement. Et, oh surprise, quelque chose est en train de se passer : le cocon bouge et une petite ouverture apparait. Fasciné, il observe la scène pendant quelques minutes et ô bonheur, il y a du mouvement à l’intérieur. A l’évidence, le papillon est en train de lutter pour sortir et éviter que son cocon ne se transforme en sépulture. Mais contre toute attente, soudainement l’agitation ralentie et le cocon redevient inerte.


Notre apprenti entomologiste en déduit qu’après tous ces efforts, le papillon s’est épuisé au risque de rester prisonnier à jamais de son cocon. Mais décidé à conjurer le sort de ce pauvre lépidoptère, il sort de sa poche un petit canif et, délicatement, agrandi l’ouverture existante afin de permettre au papillon de s’extirper avant qu’il ne soit trop tard. 


Gagné ! Le papillon sort, doucement et glisse sans difficulté jusqu’à tomber par terre. Mais au lieu de montrer un regain de vitalité, les mouvements du papillon sont de moins en moins perceptibles. Son corps est difforme et ses ailes sont désespérément engluées à son corps. Quelques minutes passent et le voilà maintenant totalement inerte, mort sans jamais avoir volé. 


Ce que notre brave citoyen n’a pas perçu, c’est la situation dans son ensemble. Il a cru que la gentillesse, la compassion et sa réactivité allait faciliter l’éclosion du papillon. A aucun moment il a imaginé que la restriction du cocon et l’effort requis pour que le papillon émerge à travers la minuscule ouverture permettent naturellement de forcer le fluide du corps à irriguer les ailes afin que ces dernières puissent se rigidifier. Ce n’est que lorsque le papillon aura pris le temps de traverser ce processus de compression qu’il sera en mesure de s’envoler.


Cette petite histoire confirme, l’adage selon lequel l’enfer est parfois pavé de bonnes intentions, mais pas seulement. Elle souligne également l’importance des processus d’apprentissage que seuls l’effort et les contraintes peuvent enseigner. Un peu comme le peintre qui n’a que quelques tubes de couleurs et tente de nouvelles teintes à partir de mélanges inédits.


Plus généralement, si la rareté des ressources est une vraie menace pour notre survie, elle est aussi le moteur principal de notre évolution. Face à une pénurie de moyens, on trouve au moins trois grands types de réponses. La première est d’accepter ce qui apparait comme une fatalité et donc d’adapter son mode de vie en conséquence. La seconde consiste à se battre pour retrouver son niveau de ressources initial. La troisième relève de la créativité et de la coopération dans le but de créer des ressources de substitution. 


Cette dernière réponse fait écho à une célèbre locution latine « Ad augusta per angusta » qui exprime l’idée selon laquelle il est possible d’obtenir des résultats magnifiques par des voies étroites. Autrement dit, de modestes moyens n’excluent jamais l’éminence d’un résultat et peuvent même y contribuer.

Une vidéo de ERIC-JEAN GARCIA (Professeur affilié en Leadership à Executive Education Sciences-Po Paris) à retrouver sur le site de Xerficanal ici

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