OLIVIER MEIER – Professeur à l’Université Paris Est Créteil, Observatoire ASAP
Il n’est pas toujours aisé de distinguer l’ego de l’estime de soi.
Ces deux notions révèlent pourtant des différences fondamentales dans la relation à soi, en présentant des logiques et des mécanismes différents.
En philosophie, l’ego (du latin ego : « je ») correspond au sujet pensant. De même, dans le champ de la psychologie, l’ego est le « moi », c’est-à-dire l’affirmation de la personnalité de l’individu.
Mais cette affirmation peut parfois relever d’une forme de démesure et donc déformer la réalité. En effet, le syndrome de l’hubris décrit une personne avec un ego démesuré, dont la perception de la réalité est altérée. Il se manifeste généralement lorsque l’individu acquiert un certain pouvoir (reconnaissance sociale et professionnelle) qui va le conduire à déformer le regard qu’il peut porter sur lui-même, mais également son rapport au monde et aux autres.
Ce phénomène se retrouve d’ailleurs dans la mythologie grecque. Il reflète ainsi la démesure, l’excès d’ambition, de confiance en soi ou la volonté de puissance, avec une dimension qui relève dans bien des cas de l’irrationnel. Cette idée renvoie par conséquent à des comportements souvent individualistes empreints d’un certain vertige, où le narcissisme, l’égocentrisme vont primer sur le collectif et conduire à un complexe de supériorité et à des relations de domination non maîtrisée. Semblable à une addiction, ce sentiment d’invincibilité peut donc s’avérer destructeur pour l’individu et son entourage et avoir des conséquences néfastes pour la personne concernée, avec des risques réels de rejet ou marginalisation.
Face à un tel phénomène, l’une des pistes possibles pour lutter efficacement contre ce type de comportement consiste à s’entourer d’un environnement critique et bienveillant, qui permette de donner une part de rationalité dans ses choix et comportements.
A l’inverse, l’estime de soi est, en psychologie, un terme désignant le jugement ou l’évaluation qu’une personne a de sa propre valeur. Lorsqu’un individu accomplit un acte qu’il pense valable, il ressent une valorisation, qu’elle qu’en soit la portée et la nature des résultats. Car sa satisfaction première vient de l’intérieur : l’individu doté d’une forte estime de soi cherche avant tout à être en accord avec ce qu’il est et ce qu’il voit de lui-même. L’estime de soi est donc à distinguer de la « confiance en soi » qui, bien que liée, est en rapport avec des capacités plus qu’avec des valeurs.
En effet, une forte estime de soi implique des caractéristiques distinctives qui ne relèvent pas simplement d’une logique de compétences ou d’aptitudes.
Disposer d’une forte estime de soi, c’est avant toute chose et en toutes circonstances :
• Avoir une croyance ferme en ses propos et principes ;
• Accepter aussi bien ses qualités que ses défauts, quitte parfois à en sourire, car ce qui compte avant tout c’est la mise en avant de sa personnalité, de son identité propre ;
• Intégrer les critiques constructives dans son propre schéma cognitif : une personne à forte estime de soi aime le challenge, le défi, et souhaite continuer à apprendre, à s’améliorer. Il est sûr de ses valeurs, de ses forces, mais il sait qu’il ne sait pas tout, et qu’il a encore à apprendre ;
• Décider et assumer ses choix et donc ses succès éventuels mais aussi ses erreurs et échecs passés. Car on apprend bien sûr de ses succès mais aussi et surtout de ses échecs. Et ce qui compte avant tout pour une personne à forte estime de soi, c’est continuer à progresser et à répondre à ses attentes profondes ;
• Admettre l’imperfection surtout si celle-ci est en accord avec sa personnalité,
• Savoir rebondir, grâce à une énergie et une force intérieure qui vient de soi et non des autres.
Un article à retrouver sur le site de Xerficanal ici
« Regarde les animaux qui sont d’une taille exceptionnelle : le ciel les foudroie et ne les laisse pas jouir de leur supériorité ; mais les petits n’excitent point sa jalousie. Regarde les maisons les plus hautes, et les arbres aussi : sur eux descend la foudre, car le ciel rabaisse toujours ce qui dépasse la mesure. » Hérodote