Léonard de Vinci, ou l’histoire d’un autodidacte de génie


Leonardo da Vinci, Saint John the Baptist. Wikipedia, CC BY

« L’apprentissage est la seule chose que l’esprit n’épuise jamais, ne craint jamais et ne regrette jamais. » (Léonard de Vinci)

Léonard de Vinci fut un homme aux multiples facettes, aux convictions profondes, à la pensée complexe. À l’occasion des 500 ans de sa disparition, examinons l’héritage exceptionnel de celui qui fut l’un des derniers grands penseurs de l’humanité, doté d’une étonnante approche transversale ; le propre d’un génie. Son impact sur la société a été bien au-delà de ce que les œuvres comme Mona Lisa et la Cène peuvent laisser penser. Léonard de Vinci a incarné une autre façon d’apprendre et de comprendre, celle d’un autodidacte exceptionnel capable de rapprocher l’art et la science, qui a su apprendre tout au long de sa vie, qui s’appuyait sur un sens de l’observation remarquable et disposait de la capacité à inventer de nouvelles formes d’apprentissage.

Une brève histoire de Léonard de Vinci

Léonard de Vinci est né le 15 avril 1452 dans un petit village agricole de Toscane. Jeune garçon, il ne reçut pas d’éducation particulière mais manifesta un intérêt prononcé pour les arts et dans l’utilisation de la matière. Léonard n’était pas d’origine noble, mais un enfant « illégitime », né de parents non mariés qui le placèrent à l’âge de 15 ans sous la tutelle du sculpteur, peintre et orfèvre Andrea del Verrochio. Le système d’apprentissage de l’époque voulait que les élèves soient totalement investis dans des projets importants de leurs maîtres afin de développer des compétences fondées sur des expériences réelles. Du fait de son travail de grande qualité, Léonard fut rapidement responsable de ses propres projets, et reçut des financements pour les faire aboutir.

Léonard vécut alternativement entre Florence et Milan puis plus tard à Rome et finalement, à la suite de l’invitation de François 1er, en France où il finit ses jours à Amboise. Il travailla sur un grand nombre de projets, publics ou privés en utilisant un grand nombre de techniques allant notamment de la peinture, la sculpture, le dessin et les fresques aux matériels militaires jusqu’à la réalisation, parmi ses derniers ouvrages, d’un lion automate capable en marchant, d’ouvrir la poitrine en faisant apparaître un bouquet de fleurs.

Indifférence à la différence entre sciences et arts

Léonard n’avait aucune réticence à utiliser ses capacités artistiques pour développer ses compétences techniques et réciproquement. Par exemple, il était capable d’avoir un regard scientifique dans l’atelier de peinture pour produire des couleurs nouvelles, d’inventer des techniques, de la même façon qu’il savait se comporter en artiste dans ses travaux d’ingénierie. Ses nombreux dessins et esquisses en attestent. On le sait peu, mais cette faculté d’expérimentation constante est l’une des causes de la mauvaise conservation de ses nombreuses œuvres d’art qui, comme la Cène par exemple, ont dû subir des travaux de restauration très minutieux.

La richesse d’une telle transversalité des compétences nourrit les travaux de Léonard dans les domaines de la physique, de l’anatomie et de la psychologie. Il s’interrogeait sur l’utilité des objets, sur la précision des connaissances et les caractéristiques permettant à l’art sous toutes ses formes d’explorer la nature humaine. L’Homme de Vitruve est probablement l’œuvre la plus représentative de cette transversalité. Ce dessin, fondé sur les principes de l’architecte romain Vitruve qui associa les équilibres architecturaux à ceux des proportions du corps humain, permit à Léonard de réunir merveilleusement au sein d’une représentation du corps humain des concepts de mathématiques, d’anatomie et de dessin, faisant de cette œuvre une contribution majeure non seulement pour le monde des idées mais également comme la traduction visuelle des relations entre toutes ces sciences.

L’homme de Vitruve, toile géante au château du Clos Lucey. Google arts et culture

Apprendre toute sa vie par l’observation et l’expérimentation

La vie de Léonard de Vinci est aussi caractérisée par un désir d’apprendre permanent, une véritable addiction. Il était intimement convaincu de la nécessité de développer en soi des compétences complémentaires. Il en voyait expressément l’intérêt à travers sa propre vie.

Mais le plus remarquable dans tout cela, c’est que Léonard apprenait par lui-même. C’était un autodidacte. Avec un sens remarquable de l’observation, il était capable de comprendre le sens des phénomènes et les relations entre certaines de leurs dimensions. À travers ses croquis et ses écrits, on constate à quel point il rassemblait en permanence des informations qu’il était ensuite capable d’utiliser pour innover dans des domaines différents.

C’est à travers ses contributions dans le domaine de la géologie que s’exprime particulièrement cette capacité à produire de la connaissance à partir de l’observation. Ses études sur les roches étaient si abouties qu’il a été le premier scientifique à comprendre que les fossiles sont les empreintes d’animaux ou de morceaux d’animaux :

« … entre les couches de roches, on voit les traces des vers qui se sont frayé un chemin à l’époque où elles n’étaient pas ».

Le premier manager-ingénieur

Si d’un côté on apprécie toute la rationalité, la rigueur et le sérieux dont faisait preuve Léonard dans son travail, il est également important de considérer sa capacité à répondre aux demandes originales de ses divers admirateurs. Et plus encore de voir à quel point Léonard était capable de promouvoir son propre travail.

L’examen de l’ensemble de ses œuvres montre que Léonard était capable de « vendre » de nouveaux projets. Cette compétence lui permit de se voir confier de multiples responsabilités lors de travaux pour le compte mécènes. Des Médicis aux Sforza, De Vinci prit la responsabilité de projets en allant de la conception d’appareils militaires à la peinture de La Cène, de l’architecture à l’anatomie.

En ce sens, Léonard de Vinci, était non seulement capable de proposer des idées et des appareils innovants ou de magnifiques œuvres d’art mais il était aussi capable de les réaliser selon une véritable gestion de projet, de rassembler les fonds nécessaires et d’expliciter les moyens humains et techniques nécessaires. Et même de rendre les réalisations effectivement utiles par une compréhension fine des besoins des futurs utilisateurs. Léonard savait concilier ses compétences techniques (hard skills) avec une approche tournée vers les autres (soft skills) afin que ses idées nouvelles séduisent ses futurs clients.

Pour aller encore plus loin dans ses talents, Léonard était aussi un excellent organisateur d’événements. Le 19 juin 1518, Léonard organisa les festivités pour la célébration du mariage de Laurent de Médicis et de Madeleine de la Tour d’Auvergne à Amboise. Cela étant, même un génie n’est pas à l’abri d’un désastre en préparant un événement tel qu’un mariage. Ce fut le cas dans une expérience précédente lorsque Ludovico Sforza lui demanda, pour le mariage de sa fille, de réaliser un autel comestible de plus de 60 mètres de long fabriqué à partir de gâteaux et de polenta. De Vinci omit de prendre en considération un élément qui anéantit la surprise : les rats ! Ceux-ci mangèrent la plus grande partie de l’autel la veille du mariage…

À la recherche des nouveaux « Léonard »

À la veille du 500e anniversaire de sa mort et en admirant la richesse, l’ampleur et la transversalité de ses apports, la question suivante demeure. Comment notre système éducatif pourrait-il insuffler les nombreuses qualités de cet homme qui a tant apporté à notre société ?

De quoi avons-nous besoin, de quelle ambition devons-nous nous doter afin de former des ingénieurs sachant dessiner, des architectes sachant manager, des managers capables de comprendre la biologie et des biologistes maîtrisant la mécanique d’un robot ?

N’oublions pas non plus que ce chercheur avide était également un pionnier en matière de technologie qui savait utiliser les dernières techniques et dispositifs disponibles pour produire de l’innovation. Et rappelons-nous que, dans sa quête de telles avancées technologiques, Léonard se questionnait toujours sur l’impact que ces nouveaux dispositifs pourraient avoir sur l’humanité.

« Le désir le plus naturel des hommes de bien est la connaissance. » (Léonard de Vinci)The Conversation

Fernanda Arreola, Professor of Entrepreneurship & Innovation @ EMLV, Pôle Léonard de Vinci – UGEI

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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