Le coaching est aujourd’hui largement reconnu comme un levier stratégique pour l’amélioration des performances et la facilitation des transformations organisationnelles. Pourtant, victime de son succès, le métier de coach professionnel est aussi souvent galvaudé, détourné de son objet, le reflet de fantasmes et de préjugés qui, in fine, lui sont dommageables. L’occasion pour nous de revenir sur quelques préjugés pour regarder au-delà de la face visible.
Une contribution de Delphine Roset
« Les conseilleurs ne sont pas les payeurs »
Vous estimez connaître votre organisation mieux que quiconque et ainsi faire votre propre diagnostic puis avoir recours à un coach pour acter voire déployer les choses ? Une telle démarche est vouée à l’échec.
Si vous souhaitez qu’un coach accompagne un projet de transformation, la première étape va être d’admettre que vous ne pouvez pas vous baser sur votre seule perception.
En effet, étant partie prenante du système et donc pétri de croyances et de biais cognitifs, votre diagnostic sera erroné. Faire appel à un coach, c’est bénéficier d’un regard extérieur, neutre et sans concessions. C’est admettre que quelque chose ne fonctionne pas et que vous ne pouvez pas faire seul. Ce premier pas, qui peut venir questionner vos compétences, votre capacité à déléguer, à faire confiance est souvent le plus compliqué à franchir. Et pourtant, tout est là, au moment même où vous prenez la décision d’accepter de demander de l’aide.
Pour libérer l’action de ses collaborateurs, le dirigeant doit faire confiance et apprendre à vivre avec sa vulnérabilité[1]. C’est difficile, mais une entreprise résiliente, réactive et innovante est à ce prix[2].
Un ROI difficile à mesurer
Travailler à la bonne santé et au bon fonctionnement de votre entreprise n’est-il pas votre préoccupation essentielle?
Si le coach et le coaché ne travaillent pas directement sur la rentabilité de l’entreprise, le coaching permet au dirigeant de se questionner sur son rôle, sa responsabilité, sa motivation pour concevoir le futur de son entreprise… et pour s’y investir. Pour avoir une idée précise de ROI, les études menées par PwC et la Fédération Internationale de Coaching (ICF) apportent une réponse sans appel : les entreprises ayant fait appel à un coaching ont un rendement médian sept fois supérieur à leur investissement initial.[3]
Le coaching doit être donc vu comme un investissement et non comme une dépense.
Une thérapie « déguisée »
Rien n’est plus éloigné de la réalité. Si, en surface, nous pouvons observer des points communs dans les attitudes professionnelles du coach et du thérapeute, ces deux métiers diffèrent sur de nombreux aspects. Par exemple : lorsque vous consultez un thérapeute pour « soigner » une souffrance, le coach vous aide à vous développer dans un axe présent – futur.
Cette confusion est d’autant plus fréquente dès lors qu’il s’agit de coaching collectif, visant à réguler la vie d’une équipe, de « sortir » des banalités pour parler intimité[4], nécessitant de faire émerger les non-dits et d’exprimer ses ressentis.
C’est pourtant cette intimité professionnelle qui va permettre de créer du lien dans une équipe, et favoriser confiance et conscience.
Davantage orienté sur l’être que sur le faire, ce coaching nécessitera que le commanditaire soit lui-même et en premier lieu en conscience : c’est ce qu’il va expérimenter au contact du coach.
Le mirage de la toute puissance
Contrairement à ce que certains affirment, le coaching est un métier à part entière qui nécessite expérience, formations, pratiques réflexives, et supervision, respectant méthodologies et déontologie.
Un coach ne sait pas mieux que vous ce qui est juste pour vous : vendeurs de rêve, passez votre chemin !
Le coach n’est pas non plus un gourou ni une botte secrète qui peut vous sortir de tout. Son intervention se fait nécessairement dans le cadre d’une temporalité déterminée et d’objectifs clairement identifiés, et vise à garantir l’autonomie du client.
Il fait preuve d’humilité et de curiosité et met celles-ci au service de sa puissance en tirant partie de ses vulnérabilités pour développer sa conscience personnelle, et par conséquent la vôtre.
L’outil et la certification, ne font pas le coach !
Certes les outils ont une place de choix dans l’accompagnement. Pour autant, comme en peinture, ce n’est pas le pinceau qui fait le peintre.
Le coach va au-delà de l’outillage et il adopte une posture spécifique : en exagérant, « il sait qu’il ne sait rien », pour aller à la rencontre du monde de son client, cherchant à le rejoindre et à faire miroir dans ses différentes dimensions – sensibles, implicites voire invisibles.
Et, toutes importantes soient elles pour professionnaliser et cadrer le métier, les certifications ne peuvent être seules garantes de l’expertise. Le permis de conduire ne fait pas le conducteur.
“A-t-on oublié l’héritage du temple de Delphes, en grec « gnothi seauton » : « Connais-toi toi-même » ? Car le principal obstacle sur le chemin de la vérité est nous-même nous révèle Socrate : nos perceptions sont imparfaites, nos idées sont connotées, nos raisonnements sont conditionnés. ”[5] Accompagner, avec intégrité et en présence, nécessite de regarder en soi, ses ombres et ses fragilités pour pouvoir en faire reflet à la personne ou au système accompagné.
Cette démarche introspective fait partie intégrante de l’ éthique du coach et fonde la capacité de prise de recul du coach : il fait pour lui-même ce que vous lui demandez de faire avec vous. Explorer, faire un pas de côté, éclairer, trier, voire ce qui n’est pas vu, nommer ce qui n’est pas dit etc…Et c’est là que le miracle se produit : en mettant en conscience ce qui se joue pour lui avec vous, il vous aidera à mettre en conscience ce qui se joue pour vous dans votre organisation.
Expert métier ?
Le coach est le garant du cadre et du processus de coaching. Il n’a donc pas besoin d’être cet expert métier que beaucoup cherchent à voir en lui. Le cas échéant, nous prendrions le risque de vivre dans un écosystème fermé. Une démarche antinomique avec les fondements du coaching visant à élargir ses horizons.
« Le succès » d’un accompagnement est d’abord conditionné par l’alliance qui se fait dans le couple coach-coaché. Parce qu’une relation de confiance et de sécurité existentielle et émotionnelle a pu être instaurée. Le coaching est en cela une plongée dans le monde de l’intuitu personae.
Et après ?
Une chose est certaine : si c’est flou, c’est qu’il y a un loup.
Alors sachez que si vous cherchez des solutions toutes faites, un coach ne pourra pas vous aider. En effet, tout coaching démarre invariablement par une définition précise des objectifs. Celle-ci doit permettre de se rapprocher de vos enjeux, d’évaluer les ressources et ce qui fait obstacle. Autant d’éléments qui doivent permettre au coach de déterminer le cadre de son accompagnement.
Il est essentiel que le client soit engagé, impliqué et moteur de la transformation. Alors si vous n’êtes pas prêt à être questionné et confronté, le coaching n’est sans doute pas encore pour vous. Idem si vous pensez que le coach sera celui qui mettra en place les actions et les changements. C’est votre rôle et celui de vos équipes.
Coaching rime invariablement avec conviction et implication : une approche clé pour développer la culture de la responsabilité et de l’engagement.
C’est une magnifique opportunité pour impliquer chacun : l’occasion pour tous d’investir un espace adapté au développement des soft-skills, au service d’un climat relationnel favorisant coopération et performance collective.
L’occasion pour vous, vos équipes et votre organisation d’aller au-delà des apparences !
[1] https://www.decideurs-magazine.com/finance/42851-l-combalbert-the-trusted-agency-le-leader-absorbe-l-insecurite-strategique
[2] https://www.decideurs-magazine.com/strategie/53384-i-getz-il-faut-etre-un-leader-authentique.html
[3] https://www.institut-repere.com/info/quelle-est-la-rentabilite-d-un-coaching-de-dirigeant/
[4] Pour Eric BERNE, l’intimité se définit comme une relation sincère, exempte de jeu, exempte de toute exploitation ou chacun donne et reçoit sans arrière-pensée.
[5] Yves Mairesse – Livre Blanc : « 8 pistes d’exploration pour développer vos soft skills » –
Un article de Delphine Roset paru ici sur le site de Forbes
