La théorie des deux loups ou comment prendre les bonnes décisions

La Théorie des Deux Loups

Un article publié le 8/1/2019 sur le site de Merci Alfred

Le début d’année, c’est la période des bonnes résolutions. Des bonnes résolutions, on en a pris une : bosser encore plus pour vous proposer des contenus de super qualité et que vous ne trouverez nulle part ailleurs. Et pour vous ? Plutôt que de vous filer des résolutions toutes faites, on a préféré bosser sur un nouveau topo : comment prendre les bonnes décisions. Spoiler : ce seront celles qui vous ressemblent. La suite dans notre nouveau topo.

Et merci à Corinne M. pour l’inspiration !

Temps de lecture : 6 min

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Ce matin, le vent souffle sur les plaines de la montagne américaine. Ça vous dit quelque chose, non ? Mais si, vous savez, celle qui est peuplée par une tribu bien connue :

Pas la tribu de Dana, mais bien celle des Blackfeets du Montana…
L’hiver a passé sur le territoire des Blackfeet, au beau milieu de l’immense plaine du Montana. La neige fondue inonde la prairie. Et comme chaque année à cette époque, les bisons reviennent.

Le printemps, c’est aussi l’époque où Ours-Taureau, le grand-chef des indiens Blackfeet, emmène son plus jeune fils à la chasse pour la première fois.

Un beau jour, le père se lève à l’aube. Il vient chercher son fils, puis ils quittent ensemble le village. Seuls. Silencieux. Ils marchent longtemps sur la prairie. Sous le soleil, d’abord. Sous les étoiles, bientôt. 

Puis, quand la nuit est d’encre et que le soleil a plongé loin sous la ligne de l’horizon, le grand-chef prend une longue respiration. Et il s’adresse à son fils en ces mots :

Fils, tu as grandi. Le temps est venu pour toi de savoir qu’il y a en tout homme un combat. C’est un combat qui commence le jour de notre naissance, et qui s’achèvera seulement le jour de notre mort.

En chacun d’entre nous, il y a deux loups.

D’un côté, il y a le loup noir de l’orgueil, de la paresse et de la jalousie. De l’autre, il y a le loup bleu, le loup de la curiosité, de l’enthousiasme, de l’amour. Sache que, toute ta vie, ces deux loups s’affronteront continuellement en toi 
”.

Quand il entend ça, le fiston reste d’abord bouche bée. Il regarde son père, dont le regard semble se noyer dans les flammes du bivouac. Puis il demande :

Mais Père… Comment savoir lequel des deux loups va l’emporter ? 

Sans quitter des yeux les flammes, son père lui répond :

Fils, celui des deux loups qui vaincra, ce sera celui que tu nourriras ”.

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Cette petite histoire, c’est un authentique conte indien-américain. Qu’on pourrait rebaptiser La théorie des deux loups.

Ce qu’elle dit ? La première chose, c’est que toute personne est toujours animée par des pulsions contradictoires. Et la deuxième, c’est qu’on est toujours, toujours libre de nos choix.

Le problème, c’est qu’aujourd’hui, nos choix sont tellement nombreux, qu’il n’a presque jamais été aussi difficile de prendre des décisions – et ça y compris pour les actions les plus banales type “qu’est-ce que je vais manger ce midi ? ”.

Alors, comment prendre les bonnes décisions ? Comment faire le bon choix ?

Que vous en soyez au stade de vous choisir une bonne résolution (ou pas), on s’est dit que ce sujet était une bonne manière de commencer l’année.

I / POURQUOI ON NE SAIT PLUS CHOISIR

Mais prenons les choses dans l’ordre. Selon la théorie des deux loups, on serait tous “animé de pulsions contradictoires”. Non, vraiment ? Que ceux qui se reconnaissent dans cette description lèvent le doigt…

Merci. Eh oui : ça nous correspond à tous, plus ou moins. Et c’est normal, car une des plus grandes caractéristiques de notre époque, après tout, c’est très probablement sa schizophrénie.

Fig. 1 : exemples variés de schizophrénie ordinaire au début du XXIème siècle.
On veut tout, en même temps, tout le temps. Et ces envies, elles ne nous viennent pas de nulle part : elles viennent notamment du fait que les sociétés modernes ne nous ont jamais offert autant en même temps.

C’est comme si on allait dans un resto dont la carte était quasi infinie…

Il y a forcément une option qui vous correspond…
Mais avoir, le choix, c’est plutôt bien, non ?

Oui… jusqu’à un certain point. Dans la théorie économique classique, on considère que le choix est un élément essentiel de la satisfaction des individus – notamment parce qu’il offre à chacun la liberté de choisir la configuration qui maximise son intérêt.

Mais ça, ce n’est vrai que dans une certaine limite : quand les options deviennent trop nombreuses, la décision peut devenir extrêmement complexe… 

Voire même tellement complexe que certains peuvent carrément renoncer à choisir.

C’est ce que le psychologue américain Barry Schwartz appelle le paradoxe du choix. Plus il y a d’options, plus le choix est difficile.

Et ça, la plupart d’entre nous l’expérimente de deux manières bien particulières.

II / TROP DE CHOIX TUE LE CHOIX

   A / FOMO VS FOBO

Là, on va parler de deux concepts que vous connaissez sans doute. FOMO, FOBO : deux concepts inventés au début des années 2000 par Patrick McGinnis, un investisseur américain, alors qu’il était encore étudiant à Harvard.

La première, c’est la FOMO – Fear of Missing Out, ou “la peur de rater une expérience”. Ici, le choix est perçu comme un sacrifice – et on préfère tout faire… plutôt que de renoncer. 

Une attitude ambitieuse mais qui n’est pas sans danger : la FOMO pousse en général à la suractivité. Voire même à des situations critiques, si on reprend par exemple l’exemple précédent, quelques heures plus tard…

Mais la FOMO a une petite soeur, un peu moins connue en France : la FOBO – ou Fear Of a Better Option. Une réaction, qui, elle génère une véritable paralysie face à la moindre prise de décision.

Toujours dans sa Ted Talk, Barry Schwartz cite un exemple génial : des chercheurs américains ont proposé à deux groupes de salariés deux dispositifs d’épargne salariale. Le groupe A pouvait choisir entre 5 options différentes. Le groupe B, entre 20 options différentes. Résultat ? Dans le groupe B, les salariés à avoir effectivement souscrit une épargne salariale étaient beaucoup moins nombreux : face à une décision complexe, la plupart préfèrent remettre la décision au lendemain… pour finalement, ne jamais rien choisir. 

La FOBO et la FOMO sont deux attitudes extrêmes qui aboutissent, théoriquement, à deux non-choix : tout faire, ou ne rien faire.

Heureusement, peu de gens sont vraiment atteints d’une paralysie de choix. Ça prend du temps, mais on finit tout de même par choisir quelque chose. Le problème ? C’est que les choix complexes n’ont pas le même impact que les choix simples.

Il y a même une très grande différence : c’est que les choix complexes rendent beaucoup moins heureux.

   B / LES IMPACTS DE L’EXCES DE CHOIX

Comment un éventail de choix trop large peut rendre malheureux ? Par 3 effets principaux.

1 – On perd du temps

On l’a tous vécu : le temps passé à chercher le meilleur Airbnb pour votre prochain week-end au pays basque peut ressembler à ça :

Sans parler du choix du film à regarder sur Netflix…

Et plus le temps passé en amont de la décision augmente, plus nos attentes augmentent elles aussi.

b – On a plus de regrets

Quand on a passé du temps à choisir quelque chose, on aimerait être sûr d’avoir fait le meilleur choix. Sauf que le souvenir des options écartées peut venir nous travailler : et si l’autre option avait, en fait, été meilleure ?

c – On est moins satisfaits

Résultat ? Finalement, la multiplicité des options a augmenté notre niveau d’attente. Et la meilleure bière du monde peut parfois devenir moins satisfaisante qu’un simple demi-pression au comptoir. Ce qu’on pourrait résumer par ce graph :

III / COMMENT PRENDRE UNE BONNE DECISION ?

Alors, comment prendre une bonne décision ?

Est-ce que tout ça veut dire que pour être heureux, il vaut mieux ne pas choisir ? Evidemment que non. Tout ce qu’il faut, c’est comprendre votre propre mode de fonctionnement

D’où vient la pression que l’on se met face à une abondance de choix ? D’après cette étude américaine, elle vient d’une attitude dite de « maximisers« . Qui sont-ils ? Des gens qui prennent des décisions objectivement meilleures que la moyenne… mais qui en retirent une satisfaction moindre.

A l’inverse, il y a les Satificers (contraction “Satisfaction” et de “sufficient”). Eux, ils prennent des décisions moins optimales – mais ils en retirent malgré tout une satisfaction accrue. En schéma, ça donne ça :

En gros, les Maximisers privilégient l’exigence, et les Satisficers, l’efficacité.

Et pour vous, quelle serait objectivement la meilleure façon de prendre une décision ?

Objectivement ? Il n’y en a pas

Mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire. Et c’est là qu’on peut revenir à notre Théorie des deux loups – qui nous rappelle qu’il faut savoir compter avec nos pulsions contradictoires.

On peut parfois, selon les moments, les humeurs ou les contextes, avoir envie de privilégier l’exigence ou la facilité. La perfection ou la satisfaction. Ces pulsions opposées qui cohabitent en nous comme les deux loups du conte.

Tout ce qu’on peut faire face à ces pulsions contradictoires, c’est essayer d’identifier votre loup bleu – celui que vous voulez voir triompher. Et pour ça, il y a quelques choses à faire :

-Limiter vos options
Une décision est coûteuse en énergie : c’est ce qu’on appelle la fatigue décisionnelle. Une des premières possibilités consiste à réduire vos options pour, le plus souvent possible, ne pas avoir avoir le choix et donc éviter d’avoir une décision à prendre. C’est ce que faisaient par exemple Steve Jobs, Obama ou Zuckerberg en décidant de s’habiller tous les jours pareil

-Ne pas se mettre inutilement la pression
Toutes les décisions n’ont pas la même importance. Vous avez un doute ? Commencez par prendre du recul. De quoi parle-t-on ? D’une bière dans un bar, d’un film à regarder ce soir ? Ou de choisir la personne que vous voulez épouser ? A questions simple, réponse simple : pas la peine de se mettre la pression pour rien. 

-Adapter votre niveau d’exigence
Qu’est-ce que vous recherchez vraiment ? Le choix parfait ? ou juste un petit plaisir simple ? Trouvez un niveau d’engagement correspondant à l’importance de la question. 

-Aller vers plus de sobriété
On vous en a déjà parlé, mais dans le genre, Satish Kumar a beaucoup à nous apprendre.

Conclusion ? La tentation du choix parfait est partout. Mais elle est 1– illusoire, et 2 – épuisante. Souvent, ça vaut le coup de diminuer ses attentes pour profiter un peu plus.

Alors finalement, on vous remet ce graph qui résume tout :

Perfection ? Satisfaction ? Pour chaque question, trouvez votre loup.

Puis nourrissez-le.

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