Jack Welch qui fut l’emblématique PDG de General Electric (GE) pendant 20 ans de 1981 à 2001 est mort dimanche 1er mars 2020 à l’âge de 84 ans.
Ainsi que le rappelle Laure Belot dans le Monde du 2 mars 2020 : « Durant les deux décennies où il dirigea General Electric (GE), de 1981 à 2001, le conglomérat industriel multiplia par sept ses bénéfices et par quarante-trois sa valeur boursière pour devenir la première capitalisation mondiale, l’entreprise la plus valorisée sur la planète par les marchés financiers. Cette prouesse fit de lui un dirigeant admiré, envié et très largement copié. »
Jack Welch a de nombreux fidèles et on sait pourquoi. En étant décisif, résolu et en investissant dans un leadership de qualité, il a permis à General Electric, la société qu’il dirigeait, d’atteindre un statut emblématique. Au cours de son mandat, les revenus de GE ont plus que quadruplé et sa capitalisation boursière est passée de 12 milliards de dollars à 410 milliards. Alors quelles leçons peut-on tirer de cet homme d’affaires exemplaire ?
Au cours des prochains jours et prochaines semaines, vous entendrez beaucoup parler de son talent en leadership et des résultats extraordinaires de GE lorsqu’il en était le PDG. Au fur et à mesure que le temps passe (et il faut laisser du temps afin que la démarche reste respectueuse), les commentaires sur Jack Welch reposeront davantage sur ses erreurs ainsi que les circonstances qui ont joué en faveur de GE. C’est ainsi que cela devrait se passer, car pour s’inspirer de personnalités qui ont réalisé beaucoup de choses, il est important de connaître le contexte dans sa totalité, voir les échecs comme les réussites.
On retient beaucoup de choses de Jack Welch, mais 3 qualités en particulier : le courage, la rapidité et la chance.
1. Le courage
Comme tout le monde le sait, Jack Welch était particulièrement coriace et combatif. Mais ce n’est pas l’aspect courageux de son caractère. Son courage lui a permis de faire ce qu’il jugeait nécessaire, même si cela pouvait susciter des critiques envers lui et GE. Abandonner des plans que l’on pensait fructueux pour l’entreprise peut se révéler compliqué et cela demande courage et conviction. Et plus particulièrement lorsque le leader qui a décidé d’établir ce plan est aussi celui qui affirme : « Cela ne fonctionne pas. » Souvent, les dirigeants ont du mal à abandonner des idées qu’ils pensaient auparavant bonnes.
Le courage de donner un feedback en personne est un atout. Souvent, les dirigeants attendent d’être complètement fous pour être francs. À ce stade, le message est teinté de colère et de frustration, il devient donc difficile de retenir l’essentiel. On décrit les messages de Welch envoyés à son équipe, comme longs et réfléchis. Même une critique a plus de chance d’être entendue lorsqu’elle est pertinente pour le travail à accomplir.
2. La rapidité
Les dirigeants ont du pouvoir, mais certains sont si réticents à l’utiliser qu’il importe peu que leur jugement soit bon ou non. Welch a beaucoup été critiqué pour la rapidité avec laquelle il a agi, peut-être surtout lorsqu’il a réduit les effectifs de GE. Il a évité les dommages causés par l’inaction ou les décisions prises trop tard, qui peuvent faire couler une entreprise, y compris les entreprises privées.
La tendance de Welch semble avoir été l’action. Cependant, il avait aussi des ressources pour soutenir les bonnes décisions, même celles qui prenaient parfois un peu de temps. Par « bonnes décisions », on entend celles qui sont pertinentes et combinées à une certaine détermination. Celles qui permettent aux dirigeants de profiter d’opportunités que d’autres manquent.
En ce qui concerne les personnes et les performances, on peut constater que Welch y a consacré un temps incroyable. La vitesse n’est pas toujours synonyme de rapidité. Il s’agit d’avancer au bon rythme, en fonction du but et des conditions.
3. La chance
Welch l’a affirmé lui-même : « De toute évidence, rien n’est permanent. » L’extraordinaire succès de GE en est certainement un exemple. Le successeur de Welch, Jeff Immelt, a dû faire face aux vents contraires de l’effondrement des marchés financiers, au début de son mandat. Les circonstances indépendantes de la volonté d’Immelt n’expliquent pas entièrement la perte de valeur de GE. Les conditions plus positives dans lesquelles Welch a dirigé ne sont pas non plus la seule cause de son succès. Aucun des deux hommes n’est complètement compris, si l’on ne considère que les résultats financiers de GE.
Les circonstances changent, les marchés évoluent, la crainte de nouveaux virus perturbe les chaînes d’approvisionnement et bouleverse les plans. Welch a dirigé GE à un moment propice. Bien qu’il soit utile d’étudier ce qu’il a bien fait, ignorer la chance comme facteur donne une vision partielle.
La tendance cognitive humaine tend à simplifier les événements, les résultats et les personnes, car c’est beaucoup plus facile que de travailler pour comprendre les choses avec leurs variations et les facteurs externes. Si nous voulons apprendre de Welch, il est important de comprendre l’homme au-delà des étiquettes. Si les écoles de commerce n’enseignent pas Welch aux étudiants de manière holistique, cela les prive de la possibilité de s’exercer à penser d’une manière qui leur sera bien plus utile que n’importe quelle autre version mythologisée.
Les enseignants avisés mettent en garde leurs étudiants contre les adeptes aveugles et le culte des idoles. Les dirigeants avisés savent qu’ils sont des enseignants et que simplifier à l’excès conduit à autant d’erreurs que compliquer à l’excès. Welch savait qu’il était enseignant, comme le prouvent ses actions lorsqu’il dirigeait GE et qu’il était à la retraite. Nous pouvons apprendre de ce qu’il a explicitement enseigné et de l’observation de ce qu’il a fait.
Un article paru dans Forbes le 7 mars 2020