Souvent contraint ou tenté de vouloir tout gérer, le chef d’entreprise voit sa charge mentale ultra-sollicitée. Attention au risque de surchauffe !
Cette bande dessinée a eu un succès fulgurant sur le Web. La dessinatrice Emma y décrit la charge mentale des femmes épuisées d’avoir à penser à tout. A force de vouloir tout organiser et planifier à la maison, elles déresponsabilisent leur compagnon renforçant le poids des taches pesant sur elles. Evidemment, on ne peut s’empêcher de transposer cette notion au chef d’entreprise. Commercial, recrutement, relation avec l’administration… dans une TPE ou une PME, l’entrepreneur est souvent confronté à la multiplication des missions. Avec le risque que ces dernières saturent tout l’espace de son cerveau.
L’entrepreneur, une victime toute désignée
La notion de charge mentale n’est pas nouvelle. Comme l’a exposé la psychologue russe Bljuma Zeigarnik en observant les garçons de café à Vienne, on a tendance à mieux se rappeler les taches inachevées et oublier celles déjà accomplies. C’est « l’effet Zeigarnik ». L’ennui, c’est que l’accumulation des missions non terminées finit souvent par monopoliser l’esprit du dirigeant. Ce dernier pense en permanence à ses dossiers ou travaux en cours, y compris chez lui et le week-end. La capacité mentale ayant des limites, passé un certain niveau, les neurones saturent et brouillent les capacités d’analyse et de prises de décision. Tout le monde n’est pas égal devant la charge la mentale. Mais même les individus les mieux structurés qui savent organiser leur pensée comme des tiroirs ne sont pas à l’abri d’une surchauffe.
L’entrepreneur est une victime toute désignée. Il se sent engagé sur tous les fronts. Il consacre toute son énergie à développer la boite qu’il a parfois fondée et développée tout seul. Quand il a sollicité l’argent de la famille ou embarqué un conjoint dans l’aventure, il a encore plus de pression. Ne pas savoir déléguer accroît encore les risques de dédier tout son cerveau au travail. Comme le mari que met en scène Emma, l’équipe autour de ce dirigeant envahissant a tendance à limiter ses initiatives. Comme elle attend que le boss gère tout, elle se borne à exécuter les consignes.
Signaux d’alerte
Au fur et à mesure que l’affaire grandit, le poids des responsabilités s’alourdit sur les épaules de l’entrepreneur sans qu’il soit forcément compétent sur tous les tableaux. La pression devient trop forte. Fatigué mentalement, il commence à faire des erreurs. « Si les difficultés surviennent, il aura tendance à en faire encore plus, explique Jean-Luc Douillard, psychologue, co-initiateur du dispositif Apesa (Aide Psychologique aux Entrepreneurs en Souffrance aigüe). Pour tenir le choc, il augmentera les doses de café, prendra des cocktails vitaminés ou des boissons énergisantes, voir des stupéfiants. » Un engrenage malsain qui mène tout droit au burn-out.
Pour le psychologue, il existe plusieurs signaux d’alerte à une charge mentale trop forte. D’abord des troubles du sommeil lorsque l’accumulation des missions non réalisées créent un sentiment d’angoisse. Avec un esprit occupé par les taches dont on ne voit jamais la fin, surviennent également des troubles de l’alimentation et du comportement, comme une irritabilité inhabituelle et surtout une tendance au repli sur soi. Au but d’un moment, le corps finit par lâcher. Un effondrement physique que l’entrepreneur, souvent dans le déni, ne voit jamais venir.
Un article de Bruno ASKENAZI paru le 24/06/2017 sur le site Les Echos Entrepreneurs