Problèmes d’ego et travail en équipe. La solution des San Antonio Spurs 

Les basketteurs des San Antonio Spurs disposent du meilleur palmarès en NBA sur les 20 dernières années : quinze demi-finales de la conférence et cinq titres de champion. Comment les problèmes d’ego et de concurrence interne sont-ils contenus ?

Pas de star. Un budget limité.

Pourtant les Spurs ne disposent d’aucune star telle que Kobe Bryant, Kevin Durant, LeBron James ou Joe Johnson. Et son budget n’est que le douzième budget de NBA, moins de la moitié de celui des Lakers de Los Angeles ou de Knicks de New York.

Un modèle du jeu collectif

En 20 ans, les Spurs sont devenus un modèle de jeu collectif, décomposant les équipes adverses avec leurs passes. « Si vous aimez le basketball, dit Magic Johnson, vous les regardez jouer. » On appelle le jeu des Spurs The Beautiful Game (le beau jeu).

Si vous aimez le basketball vous les regardez jouer

Contenir la violence dans l’équipe

Comment fait l’équipe pour contenir les egos (bien présents) et la rivalité sur le terrain, dans le vestiaire et en dehors entre de grands compétiteurs? Qu’il s’agisse d’entreprise privée ou publique, d’association ou d’administration, d’école ou de club de sport, le premier défi de toute organisation est de contenir la violence qui émerge dans tout groupe humain.

Quelle violence

L’influence romantique nous porte à croire que la violence vient du méchant. Il y aurait les bons et les méchants. Pour éviter la violence, il suffirait de se débarrasser des méchants. Mais la violence est-elle seulement une essence ?
Associer la violence à l’agression, ce que nous faisons trop souvent, est démagogique. Parce que l’agresseur, c’est toujours l’autre.

L’agresseur, c’est l’autre

Dans l’entreprise, comme dans le sport, personne ne se reconnait comme l’agresseur.

  • Ceux qui prennent en otage leur patron ne se revendiquent pas eux-mêmes comme des agresseurs. Au contraire, ils se disent victimes d’un plan, d’une intention ou d’une décision.
  • Ceux qui licencient ne disent pas « je suis l’agresseur », ils justifient leur décision par l’avènement d’un concurrent déloyal, le vote d’une loi stupide ou la pression d’un actionnaire.
  • Les parlementaires qui votent un changement de règle du jeu, par exemple un nouvel impôt, ne disent pas qu’ils agressent les entreprises contribuables, d’autant plus que, même s’ils étaient effectivement violents, leur violence serait légale.
  • Ceux qui mettent en place des projets de baisse des dépenses ou d’optimisation fiscale ne se disent pas qu’ils agressent leurs fournisseurs ou les pouvoirs publics.

Non seulement réduire la violence à l’agression est infantile, mais en plus cela renforce à la violence.

La violence, c’est la rivalité

En fait la violence n’est que le résultat d’une escalade progressive de tensions entre protagonistes. Ceux qui ont des enfants savent que les enfants se disputent. Et ils savent bien qu’il est vain de chercher à savoir qui a commencé.

On ne sait jamais qui a commencé

L’agression naît de la rivalité qui préexiste entre protagonistes. La violence, c’est la concurrence interne entre les parties prenantes de l’organisation. Contenir la violence, c’est dépasser la rivalité naturelle.

Manager, c’est atténuer la rivalité

Tout l’enjeu de l’organisation est de faire en sorte que les parties prenantes (dirigeants, employés, actionnaires, clients, fournisseurs, pouvoirs publics…) mettent leur énergie à créer de la valeur ensemble plutôt que s’échiner à se prendre des parts de valeur les uns aux autres.

L’actionnaire

Chez les Spurs, l’actionnaire Peter Holt, qui soutient l’équipe depuis 1996, joue un rôle clé pour la construction de l’équipe. Le rôle de Holt est de s’assurer que ce qui se fait est bien en accord avec la mission et les valeurs du club. Les supporteurs sont impliqués dans le projet. Une fois le cadre posé, Holt laisse un grand espace de liberté à ceux qui travaillent pour lui.

Le coach

L’entraîneur, Gregg Popovich, a la confiance de l’actionnaire. Pourtant sa première saison, 1996-1997) est la pire de toute l’histoire du club, mais deux ans plus tard, ils gagnent leur premier titre NBA. « Les joueurs que j’ai le privilège de coacher me surprennent toujours. En passant du temps ensemble, y compris en vacances, ces hommes ont appris à se connaître, à se respecter et à mieux être ensemble, y compris sur le terrain. Nous sommes tout un groupe, mais au final ce sont eux qui font le job sur le terrain. Ils gagnent ou ils perdent, mais ils le font avec de la classe.« 

Ils perdent ou ils gagnent, mais ils le font avec classe

Les joueurs

Sur le terrain, le trio emblématique (Duncan, Ginobili, Parker) joue ensemble depuis 2003. Le leader, Tim Duncan, est au club depuis 1997. Tous les joueurs ont développé une relation intime avec Pop. « Il a toujours eu la bienveillance d’un père pour moi » dit Duncan. « Il a fait de moi, non seulement un meilleur joueur, mais surtout un homme meilleur« , dit Tony Parker.

Les valeurs communes au-dessus de tous

Au-dessus des performances, il y a une éthique et des valeurs à respecter. Personne n’est au-dessus de l’équipe. La balle doit aller à celui qui est mieux placé pour marquer, en faisant toujours la passe supplémentaire, celle qui mettra le partenaire en meilleure position. Au final les joueurs se sacrifient pour l’équipe. Celui qui marque sait ce qu’il doit aux autres. Le jeu en mouvement et généreux des Spurs, c’est la mise en pratique des valeurs du club.

Tous pour un

Au-delà du projet de l’équipe, chaque joueur a un objectif personnel connu de tous. De fait les joueurs ne sont plus en rivalité : ils s’aident les uns les autres à atteindre leur objectif personnel.

Les objectifs étaient déclinés ainsi il y a peu :

  • Aider un jeune joueur surdoué à devenir le meilleur ailier fort de tous les temps: Tim Duncan
  • Faire entrer un duo d’étrangers talentueux au all-star game: Tony Parker et Manu Ginobili
  • Aider de jeunes joueurs à atteindre le plus haut-niveau: Stephen Jackson, Tiago Splitter et Kawhi Leonard (ce dernier fut élu Finals MVP, meilleur joueur des finales, lors du titre des Spurs en 2014)
  • Prendre des inconnus et des laissés-pour-compte pour en faire des titulaires : Malik Rose, Bruce Bowen, Gary Neal, Danny Green
  • Permettre à des vétérans de prolonger leur carrière au plus haut niveau : Brent Barry, Michael Finley et Boris Diaw

Est-ce qu’une organisation peut survivre aux hommes qui la font ? L’avenir le dira. L’équipe vient de se qualifier ce weekend pour les demi-finales de la conférence ouest. Mais Tim Duncan a fêté ses 40 ans hier, combien de temps lui reste-t-il encore ? Et l’actionnaire, Peter Holt, passe la main à son épouse à la fin de la saison.

Un article de Yves Cavarec paru ici sur LinkedIn

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