Viser la perfection, viser l’impossible

Amélioration continue, zéro défaut, recherche de la qualité, partout dans l’entreprise se manifeste l’élan vers la perfection. C’est aussi bien souvent valable pour les individus. Ce souci de perfection a ses bénéfices et ses effets pervers.

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Ça ne date pas d’aujourd’hui : « Croissez et multipliez », est-il écrit dans la Genèse. Ce qui peut s’entendre d’un point de vue quantitatif, mais aussi qualitatif. Nous sommes animés par la perspective du « plus » et du « mieux ». Un mouvement qui a rendu possibles tous les progrès de l’humanité, mais qui n’est pas sans nous amener dans des situations difficiles, pour ne pas dire des impasses, au regard de la situation globale et environnementale.

Cependant, le désir de perfection est encore une autre chose. Il nous invite certes à cette croissance et cette amélioration, mais avec une idée en plus : celle qu’à un moment, nous arriverons au bout.

Puisqu’en effet, à une chose parfaite, il n’est rien à ajouter. Peut-être est-ce là une manifestation de notre aspiration au repos, à la paresse. L’idée qu’à un moment, nous n’aurons plus qu’à jouir de nos accomplissements.

L’horizon de la perfection recule à mesure que nous avançons

L’expérience nous apprend pourtant que cette idée est totalement fausse. Quelques exemples tirés de mon propre parcours :

  • Bâtir une maison ou simplement y effectuer des travaux : oui, à un moment, les travaux sont terminés. Du moins une tranche de travaux est-elle terminée. Car, bientôt, d’autres envies vont naître et, même sans cela, la nécessité de maintenir et réparer va se faire jour et remettre à plus tard l’achèvement définitif.
  • De même, créer un logiciel. « On verra ça quand ce sera fini », m’avait dit un jour une cliente. Mais ce n’est jamais fini. Je le sais pour l’avoir vécu pendant 25 ans : les projets de suite ont toujours été plus importants que le projet initial. Il faut maintenir l’ouvrage non seulement au niveau technique, mais aussi par rapport aux nécessités de l’environnement. Sans cesse, le besoin change, exigeant des ajustements, des nouveautés, jusqu’au désir de ses commanditaires qui fluctue comme le vent.
  • Le travail sur soi est sans doute la plus spectaculaire ­— et la plus évidente — illustration que la perfection est inaccessible, pas besoin d’en rajouter sur ce point.

Il en est d’ailleurs de tout, comme de la connaissance : plus elle grandit, plus nous mesurons l’étendue de notre ignorance et l’horizon de la perfection recule à mesure que nous avançons.

Faire ou parfaire ?

Bien, me direz-vous, mais quel est l’inconvénient d’y croire, ne serait-ce que pour se donner du cœur à l’ouvrage ?

Je répondrai par une anecdote. J’étais l’autre jour non loin d’un professeur de golf qui donnait leur première leçon à un couple débutant. « Il ne faut pas, leur disait-il, aller sur un terrain de golf avec comme unique visée votre score. Si vous faites cela, vous vivrez vingt pour cent de plaisir et quatre-vingts pour cent de frustration. »

Ce qui m’est venu en écoutant ce conseil, c’est que la visée de la perfection est comme se fixer un objectif impossible et qu’elle génère finalement de la frustration et, peut-être enfin, du découragement. Sans compter le risque de surinvestissement — et donc de coût en énergie ou en argent — dans cette poursuite sans fin.

Les anglo-saxons ont un adage très approprié et que j’ai toujours trouvé très utile : « Better done than perfect ». Assez bien traduit par « Mieux vaut fait que parfait ».

Un article de Laurent Quivogne à retrouver sur l’excellent site de Dirigeant.fr

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