Reprendre le travail après un burn-out, un long cheminement émotionnel

Retourner sur un lieu de travail qui suscite le dégoût ne se fait pas du jour au lendemain. Dean Drobot/Shutterstock

Le burn-out est donc étroitement lié à un processus émotionnel, ce qui implique d’analyser le cheminement vers le retour à la vie professionnelle au prisme de ces émotions. Dès qu’il survient se met en effet en place un dispositif, inconscient ou non, de protection – psychologique et psychique – par rapport à un lieu de travail considéré comme toxique.

L’adaptation au management du modèle théorique de la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross sur le processus de deuil est à ce sujet particulièrement éclairant. Si l’on reprend ce modèle par analogie, la période de burn-out correspond aux sept premières étapes.

La courbe du deuil. Le mot du coach

Des étapes identiques à celles du deuil

La première étape, c’est le choc. On arrive à un état physique où, quasiment, le corps ne fonctionne plus, ne répond plus. La personne vit un trop-plein vis-à-vis de son travail, une situation ressentie comme très violente.

Vient ensuite la deuxième étape, celle du déni. C’est une caractéristique des gens victimes de burn-out : les signaux qui indiquent le surmenage ne sont pas entendus, on ne veut pas voir que cela ne va pas malgré l’épuisement caractérisé. C’est là que la personne s’effondre – et ne peut plus faire grand-chose à ce stade, impuissante et dépourvue du moindre contrôle sur les évènements.

Une phase plus ou moins longue de repos est alors nécessaire, au cours de laquelle apparaît – troisième étape – la colère. La colère est une émotion de réparation face à un préjudice, une frustration ou une injustice. On prend ici conscience du fond jusqu’auquel on est descendu, on est en colère contre tout – son travail, son employeur, l’organisation –, on a le sentiment qu’on n’a pas été respecté.

On a également une part de colère contre soi-même, sur laquelle il est fondamental de travailler, d’où l’importance d’un accompagnement et d’un travail psychologique. C’est une étape particulièrement difficile car elle implique un retour sur soi, en l’extériorisant, en mettant des mots dessus. Elle s’accompagne d’une autre émotion, la peur, aux multiples visages en fonction de l’histoire de la personne.

La plupart du temps, les gens reviennent trop tôt au travail – souvent à l’étape de colère ou de la dépression. Il est pourtant crucial d’aller au bout du processus. Autrement, il est impossible de reprendre le travail, la colère, la peur et/ou la tristesse empêchant par exemple tout relationnel satisfaisant, notamment avec ses collègues.

Un travail sur soi avant de reprendre le travail

Reprendre le travail implique donc de ne pas revenir trop vite, d’avoir fait cette traversée, pris un vrai recul et fait un travail sur soi pour comprendre ce qui nous est arrivé. C’est ce qui permet d’aborder les étapes suivantes, si l’on poursuit le parallèle avec la courbe du deuil, de l’acception à la sérénité qui permet d’envisager de nouveaux projets.

L’accompagnement peut faciliter l’indispensable travail sur soi à réaliser avant le retour à la vie professionnelle. Photographee.eu/Shutterstock

Les facteurs de risques du burn-out sont, au niveau organisationnel, la surcharge de travail, la pression temporelle, le faible contrôle sur le travail, les faibles récompenses, le manque d’équité, les conflits de valeur, les demandes contradictoires et le manque de clarté dans les objectifs et les moyens.

Pour aborder la reprise du travail de façon la plus sereine possible, il faut au moins s’être interrogé sur tous ces facteurs et les avoir fait résonner dans sa propre expérience. Par exemple : comment puis-je gérer autrement ma charge de travail ? Ou alors, ai-je besoin de signes de reconnaissance explicites ? Que puis-je faire pour en recevoir ?

Après un burn-out, les choses ne pourront plus jamais être comme avant. Le traumatisme aura créé des changements psychologiques profonds chez la personne. Dans la grande majorité des cas, l’individu observe une forme de distanciation (mécanisme de protection et de mise à distance des émotions) avec le travail, mais aussi dans ses relations avec les autres au travail.

Elle a souvent pu prendre la mesure de ce qui est vraiment important : être vivant et avoir la santé. Elle sait faire ce qui est utile pour elle en termes d’énergie, pour retrouver la joie. Si la joie n’est pas là, c’est que l’on n’est pas au bon endroit.

Il faut ainsi avoir une idée précise de qu’on va mettre en place pour changer sa manière de faire au travail. Quelle est ma part de responsabilité dans ce qui m’est arrivé ? Qu’est-ce que je peux changer ? Par exemple : l’hyperconnexion, via notamment les e-mails ou le travail le week-end. Il faut être capable de mettre des garde-fous pour juguler le stress et l’hyperactivité.

Le burn-out trouve souvent ses origines dans une forme d’addiction au travail, qu’il faut savoir questionner. Il est également essentiel de sortir du triangle dramatique de victime-sauveur-bourreau mis en évidence par Karpman.

Ne plus endosser un statut de victime, au contraire être positif. Ne plus se croire sauveur et prendre conscience qu’on n’est pas irremplaçable – et donc qu’on peut travailler moins. Et ne plus être son propre bourreau, en n’écoutant pas les signaux de fatigue par exemple, en n’étant pas assez bienveillant avec soi-même.

Si le travail sur soi est fondamental, il ne peut résoudre à lui seul l’ensemble des problématiques liées aux interactions humaines. Il faut bien avoir conscience qu’à son retour au travail, les collègues ne vont pas forcément comprendre ce que l’on a vécu. Peut-être d’ailleurs que seules les personnes ayant vécu cette situation peuvent vraiment la comprendre.

Il est donc d’autant plus nécessaire de mettre en place des protections, car l’organisation ne le fera pas forcément. Et se résoudre, dans les cas extrêmes, à changer de travail. Ce changement, s’il est vécu en conscience, pourra alors permettre une réelle renaissance.

Un article de Catherine Pourquier, Professeur de Conduite du Changement, Burgundy School of Business, paru dans La Conversation le 7 mai 2019

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